Nous ne savons pas comment les logiciels d’IA transformeront notre monde. Le livret est conçu pour pouvoir y revenir au moment où de nouvelles questions se posent, de nouvelles tensions se manifestent ; il ne s’agit pas de faire les ateliers « une fois pour toutes ». Y revenir permet de continuer à développer notre culture technique, d’observer comment notre manière de percevoir ce qui se passe s’est un peu transformée, mais aussi d’inventer et de cultiver d’autres manières d’observer ce qui nous arrive que celles qui dominent l’espace public et médiatique.

Dans un contexte où l’IA est déjà utilisée, où son usage se normalise et où de nouvelles habitudes se prennent, il s’agit d’abord de dépasser les sentiments de fascination et d’écrasement pour sortir de la sidération, personnellement et collectivement. Le livret est un outil de réflexion afin de se donner les moyens de se positionner. Souhaitons-nous utiliser l’IA ou non ? Pour quelles tâches ?… Ces questions nous renvoient forcément à des discussions démocratiques qui dépassent largement la simple question de l’usage de l’IA : Quelle éducation voulons-nous ? Quelles activités souhaitons-nous réaliser dans le cadre professionnel ? Quels liens affectifs souhaitons-nous tisser et avec qui ?…

Il s’agit de se réapproprier ces questions à la fois quotidiennes et fondamentales, en observant les transformations que l’IA opère. Nous ne pouvons pas laisser le soin à quelques entreprises de façonner nos milieux de vie. Pour sortir de la sidération, développer collectivement notre culture technique est une condition : comprendre les contraintes qui s’imposent à nous, mais aussi, celles que l’IA imposent aux autres êtres, humains (par le travail) et non-humains (quel est le sort des machines et de l’environnement). C’est l’organisation de notre société dans son ensemble que l’IA vient bousculer.

Ce questionnement vise à nous redonner du pouvoir d’agir sur ce qui nous arrive. Et in fine, sur la société dans laquelle nous vivrons. Ce livret s’inscrit dans une démarche qui est déjà à l’œuvre, chez toutes les personnes qui choisissent d’en faire un sujet de discussion collective, chez celles qui se réapproprient les logiciels pour répondre à leurs besoins et non à ceux des entreprises1, chez celles qui inventent et réinventent de logiciels… la liste est longue — heureusement.

Footnotes

  1. Voir par exemple Anne Alombert, De la recommandation algorithmique privée aux pratiques citoyennes et contributives : assurer nos libertés à l’ère de l’intelligence artificielle, article publié en 2024, disponible en ligne.